Temple de Daargo'val

Eneko poussa les lourdes portes du temple. Elle avait besoin de se retrouver seule. La solitude, il n'y avait rien de mieux. En plus, elle ne s'était jamais sentie redevable envers qui que ce soit jusqu'à maintenant ce qui la perturbait.
Et puis, elle ne s'était pas liée d'amitié avec un autre être vivant depuis déjà des années.
Elle s'agenouilla devant une des statues du temple. C'était sa préférée depuis qu'elle était petite: elle représentait trois guerriers elfes noirs qui bandaient chacun un arc. Elle avait toujours trouvé que deux de ces elfes ressemblaient à ses parents et, si son imagination se laissait aller, elle pouvait même pensé que le troisième elfe n'était nul autre qu'elle même...

Elle laissa donc son esprit vagabonder au grès de son bon vouloir... Elle voulait se retrouver seule et méditer un peu avant d'observer d'un peu plus près le butin qu'elle avait récupéré.

J'ai toujours été seule depuis votre... départ... Et ça m'allait très bien jusqu'ici... Et voilà qu'il y a cette Nolw... Bien que je n'ai pas l'intention de m'éterniser près d'elle, je lui dois un service et je sais qu'en cas de besoin, elle n'hésitera pas à m'aider de nouveau... Enfin j'imagine... J'espère ne pas me tromper comme autrefois.

Le calme régnait dans le Temple, non loin de la jeune femme en prière se trouvait l'allée qui menait vers l'autel sacrificiel. Des centaines de bancs vides étaient là pour les messes noires et les offrandes. Rares étaient les Elfes noirs qui venaient prier de si bonne heure, c'est pour celà que la présence d'Eneko attira l'attention d'un recteur qui dans sa toge de peau humaine ou elfique s'approcha doucement pour ne pas déranger la méditation d'Eneko.

- Nombreuses sont les fois où vous êtes venus de recueillir sur cette statue, nombreuses sont les fois où vous restiez des heures sans bouger mais d'ordinaire vous n'arrivez pas de si bonne heure. Si vous cherchez refuge auprès de notre Dieu venez me voir, je reste généralement assis sur la gauche de l'autel. Il est parfois utile de se vouer au culte par l'aventure de l'esprit...

Le recteur d'un pas lent s'engagea dans l'allée afin de retourner auprès de ses écrits sacrés.

Eneko fut surprise par la voix du recteur tellement elle était prise dans ses pensées. Elle ne bougea pas cependant et resta agenouillée, dos à son interlocuteur. Ses pas résonnèrent lorsqu'il s'éloigna. Jamais le recteur n'était venu lui parler auparavant, pourquoi maintenant? Cette question intriguait la jeune elfe et l'empêchait de reprendre sa méditation.
Le plus silencieusement possible, ce qui n'était pas si difficile pour elle, Eneko se rendit vers le recteur. A quelques mètres de lui, elle se camoufla derrière un immense pillier afin d'observer à quoi il ressemblait.

Pourquoi irai-je lui parler? Et puis il faut que j'observe d'un peu plus près les armes que j'ai récupéré tout à l'heure... Et ce parchemin? Je ne l'ai même pas regardé. Pourquoi perdre mon temps ici?

Eneko se retourna et fit un pas pour sortir du temple.

Le recteur semblait totalement illuminé, comme la plupart des fanatiques mais il avait su faire preuve de foi dans une religion où le désordre conduit souvent vers la perdition. Assis sur sa chaise, livre religieux en main il priait sans cesse et à longueur de journée. Il ne porta guerre attention à la jeune Elfe noire qui s'en allait comme pour quitter le Temple.
Dehors l'après midi était déjà bien avancé et le soleil qui peinait à percer les nuages inonda la cathédrale par l'un des vitraux : sur le sol devant Eneko apparut le reflet de la representation de Daargo'val.

Lorsque ses yeux se posèrent sur la représentation de Daargo'val, Eneko reprit confiance en elle et repartit vers la sortie du temple.

J'irai voir le recteur plus tard... Si j'en ai besoin... Je dois me concentrer sur le but que je me suis fixée. Je n'ai qu'un seul et unique but: Kaam'ri, il est temps de prier pour ta survie.

Elle passa devant plusieurs statues, poussa les lourdes portes du temple et sortit.

Le jeune Elfe Noir passa les lourdes portes du temple, et pénétra dans l'édifice religieux. Il avançait lentement dans l'allée centrale, tout en contemplant les diverses statues et reliques présentes un peu partout. Quelques fidèles priaient, mais l'ambiance était redevenue bien plus calme que quelques minutes auparavant.
Arrivé au bout de l'allée, Naganor s'approcha de l'autel sacrificiel où le sang du dernier sacrifice coulait encore à petite gouttes.
Il alla ensuite s'asseoir sur un banc, au fond de la cathédrale, là où il y avait le moins de fidèle possible pour être un peu plus isolé. Il regarda que personne ne le surveille, et en profita ainsi pour continuer à examiner le grimoire démoniaque.

Un silence religieux habitait ce lieu de roche noire et à l'acre odeur de sang coagulé. La carcasse éventrée d'un jeune enfant trônait lamentablement sur le maître-autel. Naganor assis au fond de la nef scrutait le grimoire, personne ne le regardait et pourtant une présence étrange semblait léviter autour de lui.
Soudain la voix de Danel résonna au sein de l'esprit du jeune sorcier.

- Tu ne pourras le comprendre, je t'attend sur le parvis du Temple.

La voix de l'Archimage avait changé, il semblait moins amical comme un maître parlant à son disciple.

Surpris par la voix de Danel qui sortait de nul part, Naganor ferma le grimoire et regarda partout autour de lui. Les autres fidèles ne semblaient rien avoir remarqué, lui seul avait entendu la voix de l'Archimage.
Il se leva donc calmement, et se dirigea vers les portes afin de rejoindre le parvis de la cathédrale.

De retour dans le Temple de Daargo'Val, Naganor ne savait pas encore comment il allait s'y prendre pour faire ce que lui avait demandé Danel quelques minutes auparavant.
Passé la grande porte, il avança doucement dans l'allée centrale tout en observant un peu partout autour de lui. C'est alors qu'il vit un prêtre se diriger vers l’autel sacrificiel. Mais, la présence de fidèles dans la Cathédrale l'empêchait de faire quoi que ce soit.

Il faudrait que j'arrive a l'attirer dans un endroit plus isolé, et où personne ne pourrait nous voir...

Il s'avança alors dans sa direction, et s'adressa à lui à voix basse :

- Monseigneur, puis-je m'entretenir avec vous ?

Le prêtre portait une grande toge violette qui à certains endroits laissait entrevoir sa chair livide et scarifiée. Il ne portait aucun chapelet, seule une chainette hérissée de pointes pendait de sa main.

- Je percois en vous un grand trouble, suivez moi.

D'un pas religieux et les mains unies le clercs s'avança vers ce qui semblait être une petite pièce à l'écart de la grande nef, cette pièce à la porte ridiculement étroite était divisé en deux par un panneau de bois sculpté de scènes macabres de sacrifices d'enfants.
Chacun assis sur de confortables sièges et séparés par la cloison "divine", le prêtre commença à parler.

- Parle sans crainte fils de Daargo'val.

Naganor s'assit alors sur le sièges et répondit au prêtre, tout en pensant à comment il allait pouvoir agir. La cloison était peu épaisse, et un puissant éclairs n'aura que peu de mal pour la traverser. D'un ton légèrement haineux, pour jouer son "rôle" parfaitement, il dit alors au prêtre :

- Quand j'étais beaucoup plus jeune, mes parents ce sont fait tuer par des Hommes. Et c'est dernier temps, ma soif de vengeance s'est considérablement accrue...

Bien que ce que disait Naganor s'était réellement passé, il n'était pas là pour discutailler longuement...
En attendant que le prêtre ne dise quelque chose, le jeune sorcier imagina l'autre côté de la pièce où le clerc était assis. Il devait se concentrer du mieux qu'il le pouvait, car cette fois-ci, une seule chance lui sera permise.

- Oui je comprend fort bien, il te faut tuer pour ensevelir tes peines. C'est tout à fait normal tu ne dois pas t'en inquiéter, achète toi des esclaves ou part en guerre et tu seras à jamais satisfait.

Le prêtre semblait très confiante en ce qu'il disait, il fallait dire que les Elfes noirs étaient très réputés pour leur violence sanguinaire et meurtrière. La pièce était petite même pour la prière, c'est pourquoi fallait-il mieux prier pour que l'éclair ne fasse point trop de bruit.

- Alors parle mon enfant, qu'est-ce qui te gènes dans ta nature ? reprit-il.

- J'avais déjà l'intention de partir assouvir ma vengeance. Mais avant cela et étant un sorcier novice, je suis en train d'apprendre des sorts très utiles qui pourront sans aucun doute mener à bien ma vendetta... mais pas seulement...

Aussitôt Naganor eut terminé de parler, qu'il se concentra de nouveau très fortement en focalisant toutes ses pensées sur l'éclair et sur sa cible, bien que cachée par la fine cloison qui séparait les deux Elfes Noirs.
Un fraction de seconde plus tard, un puissant éclair jaillit des deux mains du jeune sorcier. Et Naganor pria pour que l'éclair ne soit pas trop bruyant et touche sa cible du premier coup.

Le Temple de Daargo'val était un lieu saint dont le silence appelait à la prière, dans ce silence sacré hurla soudain une toute autre parole. Naganor était concentré sur sa magie impie et c'est de ses mains que la foudre, noire de puissance, s'en alla briser le mince panneau de bois qui vola en éclat dans son intégralité.
Le clerc était allongé sur le sol, comme endormit, sa soutane était brûlée au dos et au ventre alors qu'un sang rouge sombre maculait le sol. Le prêtre immolé, de son sommeil ne se réveillera jamais.

La mission de Naganor était un véritable succès seulement il devait rejoindre son maître derechef et à en croire les bruits provenant de la nefs centrales il allait être difficile de passer inaperçu.

Naganor cherchait comment il pourrait faire afin de sortir de l'édifice sans trop d'ennuis, et pour paraître le moins suspect possible. C'est alors qu'il eut une idée : il allait se faire passer pour blessé, en prétextant que quelqu'un ou quelque chose les avait attaqué, si jamais on venait à l'interroger.
Rapidement, avant que quelqu'un n'arrive, il prit un peu de sang du clerc qu'il mit sur on épaule gauche et qui coula ensuite le long de son bras. Il tenta ensuite de rejoindre la nef en tenant son épaule gauche avec la main droite, et en avançant lentement pour montrer qu'il était affaiblit. Il arriva alors au niveau de l'allée gauche du Temple, et commença à se diriger vers les grandes portes de la Cathédrale en essayant de progresser un peu plus rapidement.

La nef était déserte, nul âme n'avait résisté au désir de fuir devant un danger inconnu et bruyant. Soudain les portes fermées du Temple volèrent en éclat, une épaisse fumée âcre pénétrait dans l'édificie religieux et très vite trois chevaliers et leur maître d'arme investirent les lieux. Inutile de mentionner que Naganor de part sa faible expérience n'avait aucune chance face à de tels tueurs nés. Alors que les Elfes noirs en armures s'avancèrent quelque chose intrigua subitement le jeune sorcier : une ombre furtive avait traversée le bouillard pour s'évanouir dans la nef sombre.

- Qu'avez vous fais impie ! jura le maître d'arme.

Epées sorties le jeune sorcier n'avait que trop peu de temps avant de subir le châtiment de la garde royale de Nalgask.

Dans la panique, Naganor recula au fur et à mesure de l'avancée des gardes, tout en reprenant une posture normale. Son regard avait été attiré quelques instants vers une silhouette passant rapidement derrière les quatre chevaliers.

Qui cela peut-il bien être ? Danel a peut-être senti que j'étais en difficulté... Je n'arriverai jamais à me concentrer suffisamment vite, et je ne serai certainement pas assez rapide pour foudroyer ces quatre gardes !

Après ces quelques pensées, Naganor observait les gardes avancer d'un pas décidé vers lui, tout en continuant à reculer. Et, il tenta alors de répondre au maître d'arme :

- Je n'y suis pour rien ! J'ai été manipulé, je ne savais pas ce que je faisais ! Comment un jeune sorcier comme moi, aurait-il pu faire une chose pareille, seul ?!

Dans le même temps, Naganor lança quelques regards rapides vers la droite pour essayer de discerner qui était rentré dans la Cathédrale sans être vu par les quatre gardes.

Devant les mots du jeune sorcier les quatre soldats d'élites s'arrêtèrent d'avancer et alors que le maître d'arme souriait une voix venue de nulle part attira l'attention de Naganor.

- Tu vas nous en dire bien plus !

Soudain quelque chose de froid glissa sur sa gorge, puis arriva une douleur dans son dos. Impossible de bouger Naganor était piégé, une dague sous la gorge et une autre dans le dos.

- Qui es-tu ? Qui t'envoi ? demanda énergiquement l'inconnu.

Des bruits d'armure se faisaient entendre en nombre sur le parvis du Temple, le ciel s'était nettement assombri et un malaise étrange s'empara des tripes du fils damné de Daargo'val.

Menacé, Naganor ne mit que très peu de temps à répondre à son mystérieux assaillant :

- Je me nomme Naganor et je viens d'Othokaï... J'ai rencontré un Elfe Noir au Sanctuaire des Délices, mais je ne connais pas sa véritable identité, son visage était caché par une capuche tout au long de notre rencontre... Depuis quelque temps, je ne cherche qu'à venger la mort de mes parents par tous les moyens possibles. Quand il m'a proposé d'utiliser la magie, j'ai hésité mais je n'ai pas su dire non... Je ne savais alors pas dans quoi je me lançais...

Le jeune sorcier était apeuré, car il se trouvait dans une situation des plus inconfortable.

La pression des lames sur les chairs tremblantes de Naganor ne cessait de se renforcer. Le mystérieux assaillant était une Ombre, maître ultime de l'assassinat et de la disparition ; il est écrit dans de très anciens livres que la Reine Annabelia choisissait elle même ses fidèles assassins pour les envoyer déjouer complots et espions.

- Ta volonté de vivre semble plus forte que ton courage... il nous sera d'autant plus aisé de nous infiltrer dans ta petite tête d'espion. dit l'Ombre.

- Donne nous juste un nom et tu pourras repartir... négocia le maître d'arme à l'impressionnante épée.

Une Ombre dans son dos, un maître d'arme devant lui et se pavanant, les trois chevaliers veillaient à ce que personne n'intervienne dans cette petite "réunion".

Sous la menace des deux lames, Naganor essaya, bien que difficilement, de garder son calme, mais il ne savait pas s'il devait faire confiance ou non aux dires du maître d'armes...

- Loin de moi l'envie de ne pas vous répondre maître d'armes, mais comment savoir si vous dites vrai ?

Le jeune Elfe Noir était en bien mauvaise posture. S'il dénonçait Danel, il sait que cela lui apporterait certainement de futurs ennuis, mais s'il n'obéissait pas à ses assaillants, il risquerait tout simplement de perdre la vie.
Naganor devait trouver un moyen d'échapper à ces deux éventualités, et vite.

D'un geste vif l'Ombre fit glisser ses lames sur le corps tétanisé de Naganor, le bruit des lames sur le métal de son armure était strident et c'est avec violence que l'Ombre rabattit les bras de sa proie afin de les lui bloquer dans le dos. Le maître d'arme quant à lui avait confié son épée de maître à l'un de ses chevaliers, se frottant les poings il approcha de Naganor.

- Seul un fou aurait pu accomplir ce que tu as fais, or tu n'es pas fou donc tu ne nous interresse pas ! Qui est ton maître !

Le poing de la brute frappa violemment les tripes du jeune sorcier.

Naganor, toujours tenu fermement par l'Ombre, se plia de douleur sous le violent coup de poing du maître d'armes. Après quelques instants, les larmes aux yeux, il tenta de se redresser difficilement. Et voyant le maître approcher de nouveau, il commença à parler d'un ton triste et hésitant :

- Danel... C'est Danel qui est responsable...

Après ces quelques mots, non sans importance, le jeune Elfe Noir affaiblit par le coup de point du maître et par la peur, n'essaya plus de résister face à ses agresseurs. Un sentiment de culpabilité l'envahit peu à peu.

L'Ombre relâcha Naganor qui tomba à terre. C'est alors que le maître d'arme se retourna afin de reprendre sa lourde épée, revenant à sa proie il laissa sa lame griffer le sol.

- Bien on avance...

Dans le silence religieux du temple deux des chevaliers s'en allèrent avant que de sa voix agressives le maître d'arme ne requestionne encore le jeune sorcier qui peinait à se relever.

- Alors maintenant tu vas nous dire qui est ce Danel ou je t'achève !