Parvis de la Cathédrale

Le soleil était à son zénith. La lumière n'était pas le fort de la jeune elfe, comme beaucoup de ses congénères. Il lui fallait un endroit isolé, si possible à l'ombre afin de pouvoir se pencher un peu plus sur ses nouveaux effets, plus précisemment sur son parchemin.
Elle marcha un peu et trouva enfin un coin où il n'y avait personne. Elle s'assit contre l'arbre et observa aux alentours. De nombreux elfes étaient là, à passer et repasser aux mêmes endroits. Sans se contrôler, la jeune fille avait retroussé ses lèvres en une grimace de réel dégoût.

Eneko, concentres-toi...

L'elfe noire se ressaisit et sortit de son sac le parchemin qu'elle avait obtenu un peu plus tôt.

Le parchemin relativement récent avait été malmené dans les effets du chevaliers chef de bataillon, un sceau inconnu à la jeune Elfe noire scellait le rouleau. D'un simple geste du doigt elle fit sauter le cachet et laissa la fine toile de papier se dérouler devant ses yeux. L'écriture était d'une beauté telle que seul un être de haut rang pouvait l'avoir écrite. Les yeux d'Eneko après cette brève analyse entamèrent une lecture attentive de ce parchemin.

Ceci est un ordre militaire prioritaire,
En raison de mouvements de troupes démoniaques sur les côtes des terres gelées, la Reine Noire Annabelia grande pontife de l'Ombre ordonne à ses chevaliers et Lords de rejoindre le camp des Martyrs dans les plus brefs délais.
Le départ de la flotte se fera au crépuscule de la prochaine lune tout manquement à cet ordre sera punit de la peine capitale.

Les chevaliers voulaient juste profiter de derniers moments de dépravation avant de partir en escarmouche. Un voyage gratuit pour les terres gelées, terres des Démons et des Dragons et par conséquent lieux où Eneko pouvait réaliser sa vengeance. Seulement où était ce camp militaire ? Plusieurs choix s'offraient à la jeune Elfe noire : se faire passer pour un chevalier et risquer de se faire prendre et juger comme traître ; enquêter auprès des passants qui ne doivent pas savoir grand chose ; torturer des soldats pour qu'ils parlent et ensuite embarquer clandestinement dans les navires ou encore se rendre à l'arène principale de Nalgask et de se faire recruter comme volontaire.

Eneko expira tout l'air qui était dans ses poumons et relut le parchemin une seconde fois. Elle l'enroula et le remit dans son sac. Elle regarda au loin, pensive.

Depuis toutes ses années, je n'ai jamais été aussi proche de toi Kaam'ri et pourtant je suis si loin... Je n'ai pas envie de perdre du temps. Avec les armes que j'ai récupéré, je ferai sans doute bon effet à l'arène. Noni, je ne vais pas perdre de temps avec des passants ou d'autres soldats... Je dois me rendre là-bas.

L'elfe noire se leva immédiatement et se dirigea vers l'arène au pas de course.

Arrivé non loin de l'imposante cathédrale, Naganor, bien que curieux, attendit que le sacrifice soit terminé et que les fidèles quittent le temple, afin d'être tranquille lorsqu'il y pénétrera.
Il se dirigea donc vers un banc situé un peu plus loin, à l'ombre d'un arbre, dans l'intention de s'asseoir en attendant la fin de la cérémonie sacrificielle.
Pendant ce temps, il n'osait pas feuilleter de nouveau le grimoire, par peur de se faire remarquer. Pour patienter, il observa donc un peu partout autour de lui, et repensa de nouveau à la phrase qu'il avait pu lire sans difficulté dans le livre démoniaque...

Le temps semblait interminable, l'office religieux qui se tenait devant le Temple semblait durer bien des heures. Le soleil peinait à percer l'ombrage non loin duquel Naganor était assis. Le grimoire entre les mains il contemplait les alentours, mais rien de bien interressant si ce n'est les quelques esclaves torturés en place public.
C'est alors que les lourdes portes sombres du Temple s'ouvrirent, de sa gueule jaillit une marrée de fidèles qui baissaient les yeux sous la luminosité radieuse du soleil. Certains avaient autour de la bouche quelques traces d'un sang assurement différent du leur. En quelques instants la cathédrale se vida de toute vie avant que d'autres fanatiques du Dieu des Ténèbres ne pénètrent de nouveau dans l'édifice mais cette fois-ci ils étaient beaucoup moins nombreux.

Naganor attendit que la grande place se vide, avant de se lever et de se diriger lentement sous un soleil écrasant vers la Cathédrale, lieu de culte de Daargo'Val.
Il n'avait pas forcement envie d'aller prier, mais sa curiosité le tenta à pénétrer dans ce temple...

A peine Naganor passa les lourdes portes du temple, qu'il fut ébloui par le radieux soleil qui luisait encore. Il attendit quelques secondes que ses yeux s'habituent à la forte luminosité, puis il observa le parvis afin de repérer l'Archimage. Et, c'est après un court instant qu'il remarqua Danel, à l'ombre d'un arbre, non loin du banc sur lequel il était assis une heure auparavant.
D'un pas pressé, car ne voulant pas le faire attendre plus longtemps, il rejoignit l'Archimage.

Danel était assis sur le même banc qui avait accueilli Naganor quelques instants auparavant. L'Archimage qui semblait vouloir rester discret était vêtu d'une longue robe simple dont la capuche ne masquait nullement les traits sévères de son visage. Alors que le jeune sorcier s'approchait l'Archimage lui empoigna le poignet.

- N'amène plus jamais cette oeuvre dans ce lieu !

Relâchant le bras de Naganor, il retrouva son calme et reprit avec aimabilité.

- Je suppose que ta nuit a été bonne si je prend en compte les longues heures qu'elle a duré. Je sais beaucoup de chose et il me serait aisé de te donner le pouvoir de pouvoir lire cette écriture que tu essaies en vain de déchiffrer. Je ne te demanderais qu'une chose : renier Daargo'val et tous les autres dieux !

Le soleil se laissa caché par un frêle nuage alors que Danel regardait l'imposant Temple avec haine et conviction. Naganor devait choisir vite.

Naganor fut stupéfait par ce que lui demandait Danel. Et, après une court instant sans dire un mot, étant surprit par les paroles de l'Archimage, il lui dit :

- Il s'agit là d'une lourde décision à prendre, et je n'imagine pas encore les conséquences qu'elle pourrait avoir... Que se passera-t-il si je refuse de faire ce que vous me demander ?

Le jeune Elfe Noir devait prendre une décision assez rapidement, mais le doute l'assaillit. Qu'il accepte ou non la proposition de Danel, il ne pourrait certainement pas faire marche arrière pour revenir sur son choix...

Soudain les yeux de l'Archimage se braquèrent sur Naganor, il souriait d'une manière féline et perverse. Aux yeux du jeune sorcier Danel avait beaucoup changé.

- Je peux te permettre d'accéder aux pouvoirs infinis d'une force considérée comme hérésie. Mais si tu la refuses tu seras libre de partir.

La mine sévère et menaçante de l'Elfe noir s'effaça pour fixer de nouveau le temple ensoleillé.

- J'ai besoin de réfléchir quelques instants.

Le jeune Elfe Noir s'éloigna de quelques mètres, et observait les quelques personnes qui passaient tout en méditant sur la proposition de Danel.
Dans un premier temps, bien que ne voulant pas répondre favorablement à la demande de l'Archimage, Naganor y était de plus en plus tenté. Il ne lui faisait pas encore totalement confiance, et son comportement quelque peu différent de la veille, ne rassurait pas forcement Naganor. Mais, après quelques minutes de réflexion, il repensa à la phrase qu'il avait pu lire :


Naganor voulait savoir quels étaient les pouvoirs que pouvait fournir, lui fournir ce grimoire. Et, sa trop grande curiosité lui fit finalement accepter la demande de l'Archimage. Il revint alors près de Danel et lui dit, après une grande inspiration :

- J'ai pris ma décision... J'accepte votre demande...

Une bourrasque de vent froid fouetta les pierres du parvis du Temple, le sourire de Danel s'était changé en une sorte de grimace étrange alliant jouissance et extase. Il se leva devant le jeune sorcier et lui fit signe de le suivre. Les deux individus magiciens marchèrent alors dans un dédal de rue proche du temple.

- A partir de maintenant nous pouvons tous les deux êtres accusés d'hérésie et offert en sacrifice au Dieu des Ténèbres. J'espère que tu en as bien conscience...

La voix de l'Archimage était pleine de force et sans attendre de réponse il pénétrait avec son disciple dans une vieille bâtisse de pierre sale et aux poutres blanchies par le temps.

En cette magnifique journée ténébreuse comme on les apprécie dans cette région du monde, la belle et néanmoins cruelle Tel'Nathas arpentait les jardins devant la cathédrale, comme à son habitude. Elle aimait apprécier voir les autres elfes noirs brutaliser leurs esclaves avec une joie qui n'avait pas lieue en ce monde d'être dissimulée. Mais la jeune prêtresse avait aussi presque de la peine pour ces sadiques qu'étaient ces frères, ils aimaient provoquer la souffrance, mais lui semblaient bien incapable de vraiment savoir l'appliquer ou l'apprécier. Ils le faisaient avec la coutume d'un pays corrompu, pas avec l'élégance de l'art que cela pourrait être.
Aussi à certaine moments elle se détournait de ce spectacle affligeant pour contempler quelques plantes communes de cette région du monde. C'est à dire des plantes magnifiques mais néanmoins mortelles. N'en était il pas pour tous les elfes noirs ? N'était-ce pas la preuve de leur supériorité ? Dans ce monde créé par les dieux ils étaient les seuls assez redoutables pour survivre, tout en restant magnifique. Ils étaient les prédateurs en haut de la chaîne alimentaire, ne connaissant aucun rival. Les autres races n'étaient là que pour les servir, elles n'avaient fait que l'oublier.

Des soldats, des mages et autres membres de l'armée royale arpentaient le parvis du Temple en interrogeant les passants. Des templiers de Daargo'val diffusaient la parole divine.

- Les hérétiques ont souillé Nalgask la sombre et tous ceux qui seront surpris à pratiquer des magies impies périront de la main de notre dieu ! hurlait l'un des templiers.

Difficile pour la prêtresse de savoir exactement ce qu'il s'était passé. C'est alors qu'enchâssé dans une armure scintillante frappée sur le plastron d'une croix d'or qu'un templier approcha de Tel'nathas.

- Daargo'val nous regarde en ce moment même, tous les fidèles doivent prier pour purifier ce lieu.

Tel'Nathas regarda le templier de haut en bas. Un soldat de son dieu, qui venait lui ordonner à elle une prêtresse de prier pour purifier ce lieu. S'en était presque comique et dérisoire. Mais l'elfe noire comprenait surtout que quelque chose s'était passé et avait déchaîné la colère des fanatiques, et surtout de son dieu, chose qu'elle ne pouvait laisser impuni.

- Qui a osé bafouer l'autorité du Ténébreux ? Leurs tripes doivent être éparpillées si vous souhaitez lui rendre sa pureté, les prières ne sont exaucées que dans le sang des infidèles ! Lâcha-t-elle à son interlocuteur.

Une fureur réelle se lisait dans les yeux de la prêtresse à l'idée qu'on ait pu bafouer ce en quoi elle croyait le plus : l'autorité et la puissance de Daargo'val, le tout puissant seigneur des ténèbres devant qui tous devaient s'incliner.

Bien que le visage du templier à la croix d'or soit masqué d'un puissant heaume de fer, Tel'nathas pouvait deviner qu'un sourire sadique naissait sur les lèvres d'un tueur tout aussi fanatique qu'elle.

- Depuis que l'impie Anak'sul, Roi défunt de l'Enfer, fut vaincu les Dragons tentent de pénétrer sur nos territoires. Et en ce jour ils ont réussi. Répondant au nom sûrement faux de Danel l'un d'entre eux s'était caché dans une vieille demeure et y a séduit un de nos jeunes frères sorciers. Faiblesse ou impiété nous savons juste qu'il s’adonne à des rituels chaotiques.

Toujours très calme le templier repris alors avec une voix pleine de désir et de perversité.

- Mais dans son hérésie le sorcier a oublié que Daargo'val ne pardonne aucune faute... leur mort est proche car personne n'échappe à la justice des Ténèbres.

Une soirée venteuse s'installait sur l'isthme d'Ulgor qui sous une épaisse couche de nuages était agité de cette intrusion ou plutôt de cette profanation !

- Tu veux te joindre à la traque prêtresse ? demanda-t-il avec autorité.

Tel'nathas écouta attentivement les paroles du templier. Alors comme ça un dragon s'était introduit sous une fausse apparence dans leurs terres ? c'était certes un crime, mais la prêtresse imaginait mal une de ces bêtes passer inaperçue, elle devait dégager une certaine aura de puissance malgré son déguisement. Et aller corrompre des sorciers ? Bah, de toute façon elle s'en fichait de ce qu'était cet être. Il avait bafoué son dieu, et elle mangerait son coeur en compensation. Et si c'était vraiment un dragon, cela l'emplirait de puissance, et lui permettrait peut être de réaliser ses objectifs.

- J'accepte de me joindre à la traque. Savez-vous par où il a fui ?

Elle imaginait déjà le son de sa dague dans les chairs de l'impie. De sa proie. Oui, car maintenant il était devenue une proie entre les griffes expertes de Tel'nathas, et elle comptait bien s'amuser un peu avec lui...

Au fur et à mesure que la chaude journée s'estompait devant une fraîche nuit, le vent en profitait pour se renforcer et caresser non sans douceur les joues pâles de la prêtresse Tel'nathas.

- Je serais ravi de vous compter parmi notre bataillon mais hélas tu n'es pas encore bien équipée pour le combat. Il semblait réfléchir quelques instants puis repris. Il y a près de l'arène une armurerie appelée "Le Fournisseur d'Honneur", là bas tu y trouveras ton bonheur j'en suis sûre.

Les troupes royales semblaient de moins en moins nombreuses sur le parvis, elles constituaient cependant de nombreuses patrouilles.

- Pour le Dragon et son sbire nous ne savons rien, j'ai blessé gravement le jeune sorcier mais ils se sont téléportés un instant avant mon coup de grâce !

Dans sa dernière phrase le Templier laissa échapper colère et haine, il serra le point si fort sur son icône que ses gants de mailles semblaient en souffrir.